Les précurseurs du protestantisme.
Le protestantisme ne sort pas de nul part ou de l'imagination seule de Martin Luther. Un certain nombre de courants et de penseurs le précède.
L'Église catholique a toujours pris soin de se garder de toute hétérodoxie et de tout mouvement dissidents. Ne serait-ce que l'Église des premiers siècle, est marquée par la lutte entre le camps aryens et l'orthodoxie. Mais l'Église institutionnelle a beau se renforcer à chaque fois qu'elle vainc une hérésie, les idées de l'hérésie ne meurent pas pour autant et on en retrouve la trace et le développement dans des mouvements ultérieurs. L'Église génère en fait, en marge de sa réflexion théologique officielle, une contre réflexion, qui peut toujours se manifester en contre Église. Le devant du récit historique est occupé forcément par le discours de l'Église catholique, qui donne une image atomisée et sporadique des mouvements qui s'opposent à elle occasionnellement, mais si l'on dénoue de le fil de l'histoire on décèle une continuité de la transmission et de la diffusion des idées hétérodoxes. Il y a donc une véritable maturation de concept et de réflexion dont le protestantisme hérite.
Pour autant il ne faut pas faire du protestantisme le réceptacle de toutes les hérésies du monde qui se seraient amalgamées en pure opposition à l'Église Catholique. Il naît d'une réflexion particulière, notamment portée sur la question de la rédemption et de la condition peccamineuse de l'humanité (On ne saurait donc classer que de manière très polémique, dans cette catégorie, les cathares, dont la théologie dualiste n'est très certainement pas acceptable par aucun courant protestant1. ). Toujours est-il que cette réflexion vient de loin et a pris le temps de mûrir. John Wyclif (1331-1384) par exemple, semble avoir abordé la plupart des thèmes qui seront ceux de la réforme.
Il faut voir aussi que l'avènement du protestantisme se construit sur deux plans : la possibilité de porter une réflexion en marge de la théologie officielle, et la possibilité de former des communautés de croyants affranchis de la hiérarchie ecclésiale. Ces mouvements donnent lieux à des révoltes et à des persécutions. Il s'agit de voir à chaque fois comment le pouvoir séculier et le pouvoir spirituel sont imbriqués. Au fil du temps l'Église est elle même divisée par de nombreuses crises internes, et si le concile de Constance (1414 -1418) met fin au grand schisme d'occident, il est marqué assez piètrement part la mise à mort sur le bûcher du pauvre Jean Huss venu honnêtement défendre sa doctrine. Cette grande réconciliation trouvant pour se réaliser sa victime émissaire2, laisse tout de même un certain malaise dans sa lecture historique. Et l'on peut se douter que les choses ne pouvaient pas en rester là. On trouvera donc légitime la colère et la révolte des mouvement hussites qui s'en suivirent. On verra comment l'Église gérera avec difficulté cette crise.
Enfin les conditions historiques vont faire que un des ces mouvements - commençant en fait sur le même scénario avec une émulation intellectuelle formant des mouvements de contestation qui finissent par inquiéter les autorités séculières, bouillonnement qui devient sanglant - atteint une masse critique et une certaine extension géographique, d'où il ressort de la bataille et du chaos, que quelque chose s'est pérennisé qui se proclame la réforme.
On peut lire donc que l'Église catholique a contenu pendant longtemps comme un barrage une aspiration qui a fini par trouver sa brèche dans cet édifice dont les crises successives laissaient entrevoir l'imminence de cet éclatement. Mais il faut bien voir que l'Église institutionnelle, elle-même portait dans son cœur le désir d'une réforme profonde depuis longtemps. Grégoire X, lorsqu'il convoque le concile de Lyon II en 1274, lui fixe explicitement comme objectif, entre autre, la réforme de l'Église. Cette volonté échouera pendant longtemps et l'on peut dire qu'elle n'aboutira qu'avec le concile de Trente (1545 -1563) à savoir le concile de la contre réforme. Il aura fallu donc, cette crise finale et l'accouchement du protestantisme pour que l'Église catholique se stabilise.
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Raphaël Urbain le 24 février 2016
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