Concile de Chalcedoine
Eutychès, archimandrite d'un important monastère de Constantinople, exagérait l'unité des deux natures du Christ au point de dissoudre l'humanité du Christ dans sa divinité. Par l'union hypostatique, distait-il, une seule nature subsiste : la nature divine. Cette doctrine sera dite : monophysite soit l’excès inverse du nestorianisme.
Selon le concile :
Suivant donc les saints Pères, nous enseignons tous unanimement que nous confessons un seul et même Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ, le même parfait en divinité, et le même parfait en humanité, le même vraiment Dieu et vraiment homme (composé) d'une âme raisonnable et d'un corps, consubstantiel au Père selon la divinité et le même consubstantiel à nous selon l'humanité, en tout semblable à nous sauf le péché [...] un seul et même Christ, Fils, Seigneur, l'unique engendré, reconnu en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division et sans séparation, la différence des natures n'étant nullement supprimée à cause de l'union...
A la suite de ce concile des Eglises importantes en refusent les formules et se séparent depuis ce jour : ce sont les Eglises dites non chalcédoniennes ou Eglises orthoxes orientales : soit les Eglises copte, éthiopienne, syriaque, et arméniennes. Elles se séparent tant de Rome que de Constantinople.
Mais on ne peut pas définir cette séparation par un attachement de ces Eglises à la doctrine d'Eutyches. Voici deux éclairages qui rendent compte de la complexité de la situation: premièrement le témoignage de l'Église éthiopienne, deuxièmement je propose un point de vue arménien en recopiant un passage entier du livre d'Albert Khazinedjian : l'Eglise Arménienne apostolique image moderne et vivant de l'église primitive édition La pensée universelle. Ces deux texte remettent en cause une vision trop romaine :
Monophysisme et Manigance Diplomatiques
Le Ve siècle pendant lequel la nouvelle Rome allait sseoir son autorité politique, bénéficiant de l'apport culturel Grec et de la rigueur législative Latine marque pour l'Eglise aussi une période de vie philosophique et théologique intense ; les finesses et les détours de la langue grecque favorisant par ailleurs avec, les joutes intellectuelles, les incompréhensions et les non-sens. Il fallait établir et expliquer le Mystère des Natures du Christ.
Si l'Eglise Primitive avait su jusqu'en 431 proclamer et maintenir une identité de définition, c'était grâce à la paix pastorale où le manque d'ambitions personnelles permettait le respect réciproque des situations, la liberté de chacun à l'intérieur de ses limites, dans un esprit de justice et de charité chrétienne. Ce qui n'excluait pas la rigueur envers les hérétiques fauteeurs de troubles mais n'allait jamais jusqu'aux bûchers de l'Inquisition.
Après donc la négation de la Divinité du Christ, de la Divinité du Saint-Esprit, après la séparation des Natures, apparaissait maintenant la négation de la Nature Humaine. Eutychès, en 447, par réaction contre le Nestorianisme émit une théorie qui poussait le mélange des Natures jusqu'à la confusion. Il prétendait que l'Humanité du Christ était tellement absorbée par sa Divinité qu'Elle disparaissait telle une goutte de miel qui se dissout dans l'océan ; ce qui revenait à nier le dogme de l'Incarnation et à créer de ce fait une nouvelle hérésie.
Les élucubrations de ce prêtre sénile n'auraient certainement trouvé que peu d'échos et se seraient éteintes avec lui si Flavien, Patriarche de Constantinople, voulant certainement donner de l'importance au nouveau Siège, n'avait pas attiré l'attention sur cette théorie en la faisant condamner. Le patriarche d'Alexandrie Dioscore, ne pouvant tolérer que son avis et sa position fussent battus en brèch, car il considérait la condamnation d'Eutychès par Flavien comme un retour au Nesotrianisme, fît condamner celui-ci et le Patriarche de Constantinople.
Ce brave Eutychès ne se serait pas attendu à une telle gloire, en se voyant condamné cette fois-ci avec Dioscore par Léon 1er à Rome en 450. A cause de sa tactique malhabile dictée par un orgueil rigide, le Patriarcat d'Alexandrie devenait, un peu à son insu, le Siège de l'hérésie monophysite. La faille était trouvée pour les Patriarcats Romain et Bysantin, unis contre l'ennemi commun. Il fallait officialiser l'affaire en faisant rejeter le monophysisme, ce qui était bien, mais aussi profiter de l'occasion pour briser Alexandrie en réunissant un Concile Œcuménique.
Contrairement aux hérésies précédentes, opinions individuelles, le monophysisme avait fini à cause de ces querelles de préséance personnelles, par entraîner avec lui une partie importante du monde chrétien.
Sur les instances de Léon et de Flavien, l'Empereur Marcien convoqua en 451 le Concile prétendu Oecuménique de Chalcédoine. Pour la première fois, une fraction de l'Eglise n'y était pas invitée. Quand au Patriarche Arménien, il resta en dehors des luttes car l'Arménie était en train de se battre contre la Perse et le Mazdéïsme et qu'elle allait, au prix de grandes pertes, sauver à elle seule l'Occident et le Christianisme l'année même de Chalcédoien, à la bataille d'AvaraÎr dont nous reparlerons plus loin.
Conséquences du Concile de Chalcédoine
Le Patriarche de Constantinople, appuyé par l'Empereur Marcien, profita de l'Assemblée de Chalcédoine pour imposer sa prééminence. Mais Rome, pour la première fois dans l'histoire de l'Eglise, et pour éviter sa subordination à Constantinople, établissait des distinguos subtils entre les édits acceptables et les canons inadmissibles d'une Concile. L'on commençait à discuter la Vérité.
Ce Concile condamna aussi le monophysisme et, pour ce faire, reprit la formule d'Ephèse, mais crut bon d'y ajouter: "ces Deux Natures tout en restant Unies conservent leurs caractéristiques". Aussitôt, les polémiques se déclenchèrent et la bataille descendit jusque dans la rue, entre les fidèles tenants de Rome et ceux de Constantinople.
Pendant trente ans, des déclarations les plus contradictoires tendirent les unes à donner de l'importance aux décisions de ce Concile, les autres à les diminuer. Chacun cherchait à y puiser ce qui l'avantageait et à rejeter ce qui ne lui plaisait pas. Même les hérétiques nestoriens en profitèrent pour relever la tête en se prévalant de l'autorité du Concile de Chalcédoine qui consacrait selon eux la séparation des Natures Humaine et Divine du Christ. L'ambiguïté de la formule de Chalcédoine ne pouvait d'ailleures leur imposer de démenti. Les empereurs de Constantinople furent de ce fait réduits à amoindrir l'importance de Chalcédoine, ne convoquant Concile sur Concile et en chassant les Nestoriens. Ceux-ci se réfugièrent en Mésopotamie où, sous l'oeil bienveillant du roi de Pers, trop heureux de nuire au christianisme, ils se mirent à faire du prosélytisme parmi les ouailles du Patriarche d'Antioche.
Le concile de Chalcédoine apparaît donc comme extrêmement nuisible. Non seulement il ne réussit à asseoir ni la primauté de Rome, ni la préséance de Constantinople, mais il divisa le monde chrétien, en rejetant ceux qui restaient fidèles à la doctrine orthodoxe d'Ephèse. (Arméniens, Syriens, Géorgiens, Albano-Caspiens et, plus tard, Ethiopiens et Coptes). En obligeant le Patriarcat d'Alexandrie à se réfugier dans l monophysisme afin de l'abattre, et en renforçant les Nestoriens. Le Christianisme ne pourra plus reconquérir le terrain perdu, envahi par l'Islam au fil des siècles car, Constantinople d'abord, Rome ensuite abandonneront l'Arménie chrétienne face aux Turcs, Antioche et Alexandrie face aux Arabes. Comment dès lors admettre et vénérer Chalcédoine ? et comment tout chrétien de bonne volonté ne voudrait-il pas le rayer du nombre des Conciles, s'il imagine qu'en plus des malheurs sus-cités il marqua les premiers signes du schisme Rome-Constantinople devenu effectif 6 siècles plus tard ?
Les Syriens, persécutés par les Nestoriens, demandèrent aux Arméniens d'intervenir. Ceux-ci en effet ne pouvaient accepter le Nestorianisme puisqu'ils l'avaient condamné avec l'Eglise Universelle, ni le monophysisme rejeté par avance à Ephèse puisqu'il nie l'Incarnation.
en 491, le synode national de l'Eglise arménienne avait rejeté à Vagharschapat la profession de foi chalcédonienne.
Pour répondre donc aux Syriens, le Catholicos et Patriarche Suprême des Arméniens, Babken 1er, réunit à Dvin en 505, dans un Concile, les Evêques Arméniens, Albano-Caspiens, et Géorgiens, proclama officiellement la profession de foi éphésienne, rejeta tout ce qui était Nestorien ou suspect de Nestorianisme et anathémisa solennellement les promoteurs d'hérésie ; Arius, Macédonius, Nestorius et Eutychès.
Ils continuent à être anathématisés à chaque ordination par l'Eglise arménienne.
Pour elle, c'est le même Dieu Incarné qui fût crucifié, enseveli, descendu aux enfers, ressuscité le troisième jour et monté au ciel. "Les Arméniens se distinguent par la clarté avec laquelle ils mettent à nue la logomachie qui a divisé les monophysites des catholiques" (Révérend Père Jugie).
Peut-on dire après cela que les Arméniens sont monophysites ?
Raphaël Urbain le 10 septembre 2016
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